LITTÉRATURE
Le coin de nos poètes
Chantal MONIER, de
Bellebrune (France)
Grand prix international 2004 - Médaille de vermeil avec coupe
spéciale.
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Vendanges du
passé
Je garde au fond de
moi, le visage d'un ange
Qui lisait dans mes yeux le moindre sentiment,
Son sourire est si doux, Dieu comme c'est étrange !
Un besoin de pleurer m'oppresse en ce moment.
Un besoin de
pleurer m'oppresse en ce moment,
Pourquoi ces souvenirs que ma mémoire engrange ?
Les évoquer encor est bien trop déprimant,
Car mon cœur se souvient et voudrait que tout change.
Car mon cœur se souvient et voudrait que tout change,
Revenir en arrière, effacer le tourment ;
Quand surgit la douleur et qu'elle me dérange,
La totale amnésie est le seul vrai calmant.
La totale amnésie est le seul vrai calmant ;
Mais le passé s'obstine à faire sa vendange,
Et tance ma pauvre âme en possessif amant ;
Je garde au fond de moi, le visage d'un ange.
Je garde au fond de moi, le visage d'un ange.
Un besoin de pleurer m'oppresse en ce moment,
Car mon cœur se souvient et voudrait que tout change ;
La totale amnésie est le seul vrai calmant.
Chantal Monier
Le spectre du
trépas
Pardonne-moi
Seigneur de haïr tes matins,
Ces instants où l'aurore abandonne aux jardins
Son voile d'épousée alourdi de rosée
Car, vois-tu, je chéris les nocturnes matins.
Quand Phébus radieux vient réchauffer la terre,
Il réveille aussitôt l'angoisse qui m'atterre,
Le ciel se fait velours,…je frissonne toujours,
Ses rayons ont pour moi l'éclat d'un cimeterre .
Rien n'efface jamais le spectre du trépas,
Même les volets clos, il s'accroche à mes pas.
Je suis en esclavage et bois l'amer breuvage…
La mort se moque bien des rideaux de lampas !
Chantal Monier
Revenez !
Vous, le grand voyageur, le bel oiseau volage,
Atterrissez un jour, ici, dans mon village,
Je vous présenterai ses odorants chemins.
Ils surent émouvoir le cœur de mon jeune âge,
Merveilleux souvenirs ! Fruits mûrs entre les mains,
Je les suivais enfant, jusqu'à la douce plage,
Pour voler à la mer la fraîcheur qui soulage.
Vous humerez aussi la senteur des jasmins,
Goûterez, du buisson, la framboise si bonne
Qui se défend un peu, la petite friponne !
Plus désirable encor quand elle se cramponne,
Leçon prise bien sûr, près de nous, les humains.
Étant perdu plus tard dans un coin de Lisbonne,
Harcelé par la horde avide des gamins,
Souvenez-vous de moi, revenez à Mebbonne * !
* Mebbonne : petit village de marins.
Chantal Monier
Il était une fois
Il était une fois…, la vie est une histoire
Qui déroule son fil en tissant le destin ;
Le conte émeut toujours le fidèle auditoire
Du tout premier matin.
Lorsque l'enfant paraît, messager d'espérance,
Dans son berceau l'attend un fâcheux clandestin,
Mais le bébé sourit, plonge dans l'ignorance
Du tout premier matin.
Puis l'âge adulte arrive avec maux et blessures,
Le sablier de Dieu perd un peu son latin ;
Ô ! Faire marche arrière, enfiler les chaussures
Du tout premier matin
Cette fois pas d'erreurs, la vie est une histoire
Qui déroule son fil comme un fichu crétin,
Le conte sent la mort pour le pauvre auditoire
Loin du premier matin.
Chantal Monier |
"La poésie c'est le
chant intérieur", nous dit Chateaubriand, tout poète qui a
le sien qu'il module selon sa nature, espérant l'amener à la
pureté originelle. Pour cela il fait des gammes, usant de
trémolos, de vibratos…, ce qui permet à Shelley d'affirmer :
"Le poète est un
rossignol qui, assis dans l'obscurité, chante pour égayer de
doux sons sa propre solitude"
Ainsi naissent au cours
des siècles les formes classiques, dites fixes.
Emmanuel LE PEILLET, de
St-Nicolas-du-Pélem F.
Grand prix international 2004 - Médaille de vermeil
avec coupe spéciale.
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Offrande
Ô ! lecteur, mon
Ami, je t'offre mon ouvrage,
Celui d'un homme seul avec de gros trous noirs
Dans son cœur de géant, dans son cœur à tiroirs
Qu'il ouvre grands pour toi, sans honte et sans nuage.
Ô ! vois, comme il est tien, au fil changeant des pages,
Tout bouillonnant de joie ou d'impossible espoir !
Oui, je suis cet amant dans la douceur du soir
Avec des élans fous aux mystiques breuvages.
Et jaillissent mes cris brûlants
d'humanité
Sous le souffle puissant de mon être indompté…
Qui s'embrase d'amour et brise les frontières…
Ô ! Mes chants d'homme libre en toute transparence
Avec des faux plaisirs qui traquent ma conscience
Et mon regard voilé qui cherche la LUMIÈRE.
Emmanuel Le Peillet
Lénaïg
Lorsque parmi vos
fleurs vous errez matinale,
Le jardin somnolent se réveille sans heurt
Et l'aurore surprise en perles de cristal
Sur vos pieds de déesse amoureuse, se meurt.
Et la clochette frêle et blanche du muguet
Égrenant son appel jusqu'aux lointains parterres,
Veilleur fidèle et sûr au tintement discret
Pour saluer sa sœur réveille tous ses frères…
J'avais vingt ans, j'allais du soleil plein les yeux !
Où sont les fleurs d'antan et leurs parfums joyeux ?
Ah ! Pourquoi, pur encor, cette offense à mon rêve,
Cette souffrance amère où chante l'irréel ?
Si j'ai cueilli la fleur en sa première sève,
Poète, n'ai-je pas illuminé mon ciel ?
Le barde des jours neufs glane l'épi des dieux
Parmi les souvenirs de son anneau celtique !
Comme dans la mosquée, un chant religieux
Ma lèvre dans la nuit murmure "Lénaïque"
Emmanuel Le Peillet
Triade
Lorsque mon âme
éparse au sein des ajoncs d'or
Cherchera sur la lande une image endormie,
Source des jours ardents, brodeuse d'insomnie
Quel astre brillera sur nos lointains décors ?
Ton sourire aux yeux noirs voguera-t-il encor,
Mystique, sur les flots d'une mer assoupie,
Ou ton spectre en allé sans un cri d'agonie,
Tissera-t-il les fils d'un rêve déjà mort ?
Sur mon vélin jauni le charme sibyllin
D'un corps vêtu de blanc comme en la nuit chrétienne.
Crèvera-t-il le voile où ta beauté païenne,
Mêle au chant de l'amour l'appel du muezzin ?
Ou souvenirs sans fin, nos vagues de lumière
Telles des blancs épis en quête de soleil,
En cascades d'argent sous mon baiser vermeil
Vont-elles ressurgir d'au-delà leur poussière
Lorsque je reviendrai sur l'or moussu des landes
Revivre mon vieux rêve au plein cœur de l'Armor,
Quels accents jailliront de mes derniers accords
Vers la Belle qui fut ma plus belle légende ?
Emmanuel Le Peillet
Défaillance
Ô dieux ! Comme
il fait triste en mon âme ce soir !
Est-ce d'avoir perdu le combat de la vie ?
Moi qui ne suis plus rien qu'une âme qui mendie
Une goutte d'eau claire, un quignon de pain noir !
Moi qui n'écoute plus la chanson de l'espoir
Et qui marche pieds nus sur des tapis d'orties
Le cœur que de morceaux à force d'avaries
Et les rayons du vide au creux de mon regard !
Ô ! Dieux qui m'avez fait, ce soir je vous renie
Pour votre désertion, pour votre félonie !
Oui ! Je veux vivre encore et si même tout seul…
Adieux ! Tristesse ! Adieux ! Que brûle ton linceul !…
Ah ! Tous ces cauchemars qui hantent mon destin !…
Ô muses, me souris et me donne la main !
Emmanuel Le Peillet
"Ma
stance est un grenier
où dansent les
souris"
E.L.P. |
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