Le coin
des poètes
Emilie
DUBRUNQUEZ, Belgique
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NOS QUATRE SAISONS
Le printemps, c'est quand tu dis
"Partons pour la promenade".
Pour moi, c'est le Paradis,
J'entends une sérénade.
Je vois l'oiseau, cette fleur
Qui de ciel bleu se barbouille.
Sous nos pas, le vent souffleur;
Pourrais-je rentrer bredouille ?
Le bel été, c'est quand tu veux,
En divin libertinage,
Bal au soir dans mes cheveux,
Dans nos cœurs, remue- ménage.
Au flanc des blés, un autel
Pour offrande ou sacrifice
Et dans mes yeux, un lac tel
Que s'y mirerait Narcisse.
L'automne, c'est quand tu vois,
S'avouant au coin de l'âtre,
Un espoir de feu de bois,
De chaleur, d'humeur folâtre.
Un cocon tout en duvet,
Un chat qui se pelotonne,
Des fruits mûrs à mon chevet.
Au loin, la bise tâtonne.
L'hiver, c'est quand tu ressens
Tout l'amour qui nous anime
Malgré le ton vieillissant
D'une chanson anonyme.
C'est quand tu sais que l'an neuf,
Emballé comme un mystère,
Aussi fragile qu'un œuf.
Nous rapproche de la Terre
Emilie Dubrunquez, médaille d'argent A.E.A. |
Gisèle
GALL, France |
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VOYAGE
Si
elle n'a que les mots pour unique présages,
Voyage mystérieux, la vie n'est qu'un sillage
Du néant au néant. Sans cesse elle reçoit,
En les décomposant pour les compter, nos pas
Gagner
le haut du mât, le sommet de soi-même,
Scrute les profondeurs de la vie souterraine,
En se penchant parfois sur la l'abîme à sonder,
C'est face à la durée la seule immensité.
Si
elle n'a que les mots pour unique équipage,
Muets et mystérieux, en forme de messages,
La source sur ses eaux a senti se glisser
Un fragile bateau naviguant en secret.
Il
transporte en ses flancs bien des trésors cachés,
Mais c'est parce qu'il a peur de les voir dispersés
Qu'il les cache si bien des éclairs trop puissants
Qui, soulevant les flots, provoquent un ouragan.
Si
elle n'a pas de mots pour former un orage,
Elle n'a que ses seuls flots pour inonder la plage,
Mais la moindre fêlure devient un vrai tourment
Si la douceur de l'eau en fait un trou béant.
À
chacune des failles il risque de sombrer
Et de troubler en lui les fonds les plus secrets,
S'il croit ne rien trouver qu'il n'ait déjà donné,
Et ne rien recevoir dont il ne soit comblé.
Or,
elle n'a que des mots pour uniques rivages;
Mais ils cachent en leur sein d'intenses paysages,
Et pour lui seul qui sait faire chanter le silence,
Elle enferme en ses mains, du ciel l'incandescence.
Ainsi
à l'horizon, l'on voit se dessiner
La voile de son corps à son corps accordée,
Au feu de son regard dérobant la chaleur,
Elle ranime pour lui d'innombrables lueurs.
Mais
au-delà des mots qu'elle lui donne en partage,
De chaque page blanche, elle lui offre la marge,
L'encre de son sourire, la plume de l'émoi,
Les courbes de son corps, la ligne de ses bras.
Afin
de reculer les limites du monde,
De traverser la vie s'enivrant de son onde,
Et, le temps d'un frisson ravi à d'autres dieux
De zébrer l'horizon de l'éclair
de ses yeux.
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Mouvances
Par
delà l'horizon, il existe un espace
Infini et secret et qui seul le dépasse,
Livre blanc du désir toujours à composer
Où vibrent des lueurs aux mouvances cachées.
La
main nue du sculpteur sur le marbre poli
Reflète son désir de trouver l'harmonie.
Sur la toile du peintre toujours inachevée,
Flotte encore le désir d'un art à inventer.
Jointes
aux lèvres du jour, les lèvres de la nuit
Recueillent le désir d'un rêve qui survit.
La caresse des femmes sur le corps nu du bois
Du désir de brûler fait crépiter la voix.
Et
sous les doigts du vent, l'écheveau du nuage
Sent parfois tressaillir un désir de voyage.
La source en ses reflets miroitant par milliers
De gouttes de lumière éclate, mitraillée.
Si
les ombres des mots désirent être entendues,
Elles cachent lueurs pour être reconnues.
Tous ces mots endormis, par ma voix réveillés,
Expriment leur désir, leur soif d'intensité.
Si
tout n'est que mouvance, le désir et l'émoi,
L'éclair, le tourbillon, et le flot, et l'éclat,
L'idéal intérieur lui donne sa puissance
Lorsqu'il est renforcé par l'aimant attirance
Le
nuage qui fuit tremble pour s'arrêter,
La source qui jaillit tremble pour éclater,
Et les corps qui palpitent avant que d'être nus
Tremblent en se livrant aux fièvres inconnues.
Les
prunelles en feu tremblent de s'enflammer
Quand le volcan des sens entre en activité,
La main devient étau et le regard splendeur,
La voix devient écho et le désir ardeur.
Les
secondes enfiévrées devant l'incandescence
Palpitent à l'unisson de leur double mouvance.
De mouvances cachées en mouvances éclatées,
La vague qui déferle ne peut que submerger.
Gisèle Gall, médaille de vermeil et grand prix 05
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Outre-mots
Que
serait le bouton d'or sans l'éclat des prairies,
La chevelure du ciel sans les dix doigts du vent,
Et l'éclat de la rose sans les pâles matins
Que
serait la clarté sans son ombre portée,
La chaleur de l'été sans la morsure du froid
Et que serait la fleur si elle ne se fanait ?
Que
serait un regard sans les paupières closes,
Que serait dons hier s'il n'y avait demain,
Et que serait la mort sans son double, la vie ?
Aujourd'hui,
tous les mots sont d'accord,
Ils sortent jumeaux de leur coquille,
Pour enjamber l'abîme de leurs frères usés,
Qui, sitôt envolés, retournent au silence.
Aujourd'hui
tous les mots sont d'accord,
Une face au soleil, l'autre dans la pénombre.
Équilibrant l'écho en un point confluent,
Ils arrêtent le bourdonnement d'oreilles de la vie.
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Faisant
refleurir,
Infini,
Le visage charnel de l'instant.
Gisèle
Gall, médaille de vermeil et grand prix 05
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